Histoire du château
C’est en Vallée de Seine, une des plus belles sources d’inspiration en Normandie pour les artistes d’hier et d’aujourd’hui, que se trouve l’impressionnant Château du Taillis, répertorié aux Monuments Historiques depuis 1996. Située à la sortie de la commune de Duclair, à l’ouest de Rouen, le château porte haut le reflet d’un passé ancré dans le présent et projeté dans l’avenir. Empruntant les genres successifs de ses prédécesseurs, le château renferme et retrace soigneusement plus de 500 ans d’histoire à travers l’architecture remarquable de son bâti.
Des fondations médiévales
Les fondations sur lesquelles repose le château remontent au XIIèmesiècle, bien avant sa construction même. À l’époque, un manoir fortifié s’élevait sur le fief du Taillis, et servait de parquier de rôle défensif pour la seigneurie. La situation géographique de ce manoir, en bordure de Seine, l’a placé au cœur des combats opposants les forces anglo-canadiennes et allemandes durant l’été 1944. Sous les vestiges de ce manoir trône aujourd’hui la pittoresque cave voutée du château du Taillis.
Au bout de l’aile droite du château, existe également un bâtiment datant de l’avant-construction, qui servait alors de lieu où exercer les droits seigneuriaux au XVI èmesiècle. À l’origine, le bâtiment n’est pas relié au château, mais Jean III réalisera plus tard cette liaison et l’utilisera pour instituer « la maison du chapelain ».
Les constructions sous Richard du Fay
La construction du Château du Taillis a débuté vers la première moitié du XVIèmesiècle, par Richard du Fay, acquéreur du fief du Taillis et grand vicaire de Georges Ier d’Ambroise, cardinal et premier ministre de de Louis XII.
La façade est décorée par des pilastres doriques au rez-de-chaussée et ioniques au premier étage. Des niches et des frises invitant à la contemplation viennent ensuite séparer les niveaux. Bien qu’étant loin d’être achevé, Richard du Fay donnera au château toute sa valeur et son intérêt architectural dès son état primitif.
La construction est principalement effectuée par les artistes d’inspiration italiennes que côtoyaient Richard du Fay, ce qui vaut au château son style Seconde Renaissance Italienne. Taillis est ainsi l’unique vestige de ce type en Seine-Maritime. Le château est bâti avec de la pierre de Saint-Leu, une pierre du bassin parisien, acheminée spécialement par bateau sur les place. Ces mêmes grands artistes italiens sont les auteurs de la construction des tombeaux de Georges Ier d’Ambroise et de Louis de Brézé en la cathédrale de Rouen.
Les constructions sous Jacques I du Fay
En 1623, Jacques I du Fay, fils de Jehan du Fay, prend la relève à la succession de son père.
Il appose son style alors complètement différent de la première construction et ajoute deux pavillons de style Louis XIII de chaque côté du château… Des pavillons uniques en leur genre, dont les deux demi-arcs sont recouverts de feuille de cuivre.
Sur les lieux, à la façade du château, une série de 12 blasons représentant les mariages de la famille y était également représentée dont l’un d’entre eux reprend la devise de la famille « Faites bien et laissez dire ». Personne ne se doutait encore alors que cette devise familiale prendrait tout son sens, des siècles plus tard, dans le cœur des visiteurs ébahis devant le travail acharné des prédécesseurs du château.
Les constructions sous Jean III
Dans la seconde moitié du XVIIèmesiècle, Jean III, héritier de la seigneurie, se mêle lui aussi à la construction et ajoute un nouveau pavillon comportant une superbe chapelle sur deux niveaux. Il raccroche également son château à l’ancien bâtiment du XVIèmesiècle, et en fait la « maison du Chapelain ».
Les constructions sous Claude Bernard du Fay
Dans la seconde moitié du XVIIIèmesiècle, deux ailes supplémentaires sont ajoutés, cette fois en brique jaune. Ces deux ailes reprennent les dimensions exactes des deux pavillons du XVIIe, dans un souci de respect des dimensions et symétries antérieurement établies. Les styles se complètent et le château n’en scintille que plus, tant le travail est minutieux.
Au niveau de l’arrière ainsi que de l’intérieur du château par contre, la différence d’époque est bien visible, jusqu’à ce jour :
Claude Bernard du Fay démonte l’ancien escalier du château et le remplace par un grand et large escalier de style Louis XIII, situé à l’arrière de la façade. L’intérieur du château emprunte également un style plus moderne où une décoration Louis XVI prend le dessus sur le bâti architectural des siècles passés. Du coté de la salle à manger, on y retrouve de ravissants poêles alsaciens, en brique réfractaire émaillé, ainsi qu’une colonne émaillée pour l’évacuation de la fumée. Une chapelle consacrée à Saint-Laurent vient également surplomber les lieux et s’ériger sur le pavillon du XVIIèmesiècle.
C’est aussi au XVIIIèmesiècle que cette même chapelle est transformée en théâtre, les lieux étant disponibles alors pour les châtelains. Dans cette salle, le plafond de l’estrade en relief représente un ciel nuageux entouré de peinture de style Louis XIII. Pendant cette période, les décors atteindront leur plus haut point : peintures sur papiers, sur toiles, sur papiers cartonnés… de quoi enchanter ses visiteurs, de l’époque à ce jour.
La touche finale par la famille Lenepveu-Bordes
Enfin, dans les années 1930, la famille Lenepveu-Bordes, propriétaire de l’époque, acquiert de fines boiseries d’époque Régence provenant d’un hôtel particulier à Rouen, propriétaire du maire au XVIIIèmesiècle. Ces boiseries exceptionnelles représentent les 4 saisons et ce salon est installé dans le 1er étage du théâtre.
Ce seront les derniers travaux apportés au château, une fille mineure étant la seule héritière de la famille. Les descendants occuperont néanmoins la propriété jusqu’en 1980.
Le château de Taillis justifie amplement son classement « monument historique ». Il est l’un des rares châteaux ayant su conserver méticuleusement 300 années d’histoire à travers son bâti architectural unique en son genre : des styles exceptionnels institués depuis la première année de construction et perpétués, différemment mais respectueusement, par ses successeurs.